Nastasia Blaise

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Psychologue & formatrice
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Publié le par Annabelle Dapoz

Nastasia Blaise est psychologue et est passionnée par les troubles du spectre de l'autisme. Elle organise plusieurs formations sur l’autisme au sein du Centre de Formation continue de la HE Vinci.

Bonjour Nastasia, d’où vient ton intérêt pour le trouble du spectre de l’autisme ?

Quand j’étais adolescente, une famille qui habitait dans ma rue avait un petit garçon de 3 ans qui venait d'être diagnostiqué autiste. Les parents qui étaient très investis dans le soutien à leur fils étaient à la recherche de baby-sitters pour mettre en place des activités avec lui après l’école et le week-end. Nous étions une petite « équipe » autour de lui. J’ai accompagné ce petit garçon durant des années. Son univers me fascinait : il ne parlait pas, mais avait d’autres compétences incroyables (visuelles par exemple). Il était très attachant. J’ai beaucoup appris à ses côtés. Il m’a aidée à communiquer différemment, à jouer autrement.

La famille de ce petit garçon était accompagnée par un service d’accompagnement spécialisé dans l’autisme, le SUSA (Service Universitaire Spécialisé pour les personnes avec Autisme). J’ai eu la chance de rencontrer à cette époque les intervenants de service. Par la suite, j’ai été bénévole au SUSA dans le cadre de l’organisation d’activités de loisirs pour enfant TSA (« Trouble du Spectre de l’Autisme). J'y ai rencontré différents profils d’enfants. En parallèle, j’ai entamé des études de psychologie à l’ULB avec l’idée très précise de faire de l’autisme, mon métier. Diplômée, j’ai été engagée par le SUSA pour des activités d’accompagnement familial, scolaire, professionnel et puis de diagnostic.

Ces dernières années, on parle de plus en plus du trouble du spectre de l’autisme. Pourrais-tu nous expliquer les raisons ?

Depuis plusieurs années, les diagnostics d’autisme n’ont fait qu’augmenter. À ce jour, une personne sur 100 vit avec ce trouble qui rend les interactions sociales difficiles. Il y a tout d’abord une explication liée à la terminologie puisque derrière le terme « trouble du spectre de l’autisme » (TSA) se regroupent des réalités extrêmement variées. Il y a donc, depuis des années, une meilleure connaissance -et donc reconnaissance- de l’autisme par les professionnels, mais aussi par les familles et la société. Ce qui fait qu’une personne qui n’aurait pas nécessairement été diagnostiquée il y a 30 ans, l’est aujourd’hui. Ce que l’on ne peut pas ignorer, c’est qu'une partie de l’augmentation de ces diagnostics serait liée à des facteurs biologiques, peut être en lien avec des facteurs liés à l’environnement. En tout cas, on ne peut absolument pas attribuer l’autisme d’un enfant au profil psychologique de ses parents. L’autisme apparait de manière très précoce, probablement avant la naissance lors de la construction du cerveau.

À ce jour, les chercheurs ont découvert des centaines de gènes impliqués dans certaines formes d’autisme. Il y a également des facteurs environnementaux qui peuvent survenir durant la grossesse comme la prise de certains médicaments qui peuvent être des facteurs de risque.

Il y a encore beaucoup d’inconnues autour des causes, probablement multifactorielles.

Comment es-tu devenue formatrice au sein du Centre de Formation Continue de la HE Vinci ?

J’ai eu la chance d’être mise en contact avec Cédric Andrien (Conseiller programmation formation continue – Secteur Sciences humaines et sociales). La volonté du Centre de proposer des formations sur l’accompagnement des personnes avec autisme a rencontré mon intérêt de dispenser de l’information de qualité à la fois théorique, mais aussi ponctuée d’expérience de terrain. Lors de la première année de notre collaboration, j’ai proposé une sensibilisation à l’autisme qui a rencontré un franc succès. En interrogeant les participants, nous avions constaté que les besoins pouvaient être plus spécifiques et nous avions organisé d’autres modules permettant de spécialiser les professionnels de terrain.

Quelles sont les formations que tu dispenses au Centre de Formation continue ?

Actuellement, 4 thèmes sont proposés annuellement. Le premier est une sensibilisation de 2 jours sur les troubles du spectre de l’autisme au sens large. Les autres formations ciblent davantage une problématique spécifique. Il s’agit de l’« intervention précoce en autisme » qui propose de spécialiser les participants à la prise en charge d’enfants très jeunes (0-4 ans) ainsi que de guider les parents dans la découverte progressive du profil de leur enfant. Je propose également de détailler le programme « TEACCH » pour Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped CHildren sur 2 jours. Il s'agit d'une pédagogie développée dans les années 70 en Caroline du Nord. Cette méthode est adaptable dans tous les milieux d’accueil (école, centres, répit, loisirs, …) et pour tous les âges. Nous abordons également « l’analyse des troubles du comportement dans l’autisme ». Ces troubles sont parfois associés au trouble du spectre de l’autisme. Cette formation se centre sur l’analyse fonctionnelle et l’intervention selon le support positif au comportement. C’est une formation qui parle à beaucoup d’accompagnateurs professionnels.

A quel public s’adressent les formations que tu dispenses ?

Les formations s’adressent à un public très varié. Les profils les plus fréquents sont les enseignants, les logopèdes, les psychologues et les éducateurs. Mais il n’est pas rare que des infirmiers, puéricultrices, ergothérapeutes, kinésithérapeutes ou encore orthopédagogues participent, avec beaucoup d’intérêt. Les objectifs sont triples : approfondir les des connaissances de l’autisme, identifier et utiliser les outils spécifiques à l’analyse du profil des personnes avec autisme et leur famille ainsi qu’identifier des éléments favorisant la prise en charge et l’éducation des personnes TSA.

Quelles sont les plus grandes difficultés actuelles que rencontrent les professionnels de la santé lorsqu’ils sont confrontés à un public autiste ?

Idéalement, il faudrait le leur demander directement… mais j’aurais tendance à dire : la diversité des profils. Le trouble du spectre de l’autisme étant un spectre, le professionnel va en fait, de facto, devoir individualiser et adapter sa pratique. Le profil spécifique de tel enfant, patient ou élève ne sera pas le même que le précédent ou celui qui suit, malgré le partage du diagnostic. L’intérêt des formations va être de cibler le type de besoins pour s’inscrire dans un suivi efficace et ainsi garantir la qualité de vie, un certain niveau de participation sociale.

Quels sont leurs besoins sur le terrain ?

Le sujet est vaste, bien sûr. Sans pouvoir être exhaustive et surtout ne pas parler « à la place de », voici ce que j'identifie pour ma part :

  • Le besoin de bilans diagnostic : les centres de référence en autisme sont acculés de demandes et ne peuvent y répondre dans des délais satisfaisants pour les patients et les familles ;
  • L’accompagnement des familles : les parents sont demandeurs de pistes, d’orientation, de conseils pour l’accompagnement de leur enfant ;
  • La formation des acteurs de l’enseignement qui sont en première ligne pour accueillir et former les élèves dans leurs classes, ce qui contribue évidemment à la réussite de l’inclusion ;
  • L’accès à des séances de rééducation et de prise en charge chez des professionnels de santé et paramédicaux (actuellement l’accès à certains soins n’est pas facilité par les aspects pécuniers, de liste d’attente ou de formation des professionnels, entre autres).