Regards croisés de Femmes Formidables

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Publié le par C. Pauwels

Entre création artistique, pédagogie et réflexion sociétale, le projet "Femmes formidables", décliné sous forme de sculptures abstraites, est à découvrir en ce moment et jusqu'au 20 mai à Louvain-la-Neuve. Regards croisés sur un projet d'envergure, mené par deux enseignantes "qui en ont", Laurence Grosfils & Alexandra Leblanc, et leurs étudiantes de Bac 2 en instit' préscolaire.

VMAG – Bonjour à toutes les deux. L'exposition "Femmes formidables" a été inaugurée avec succès le 9 mars dernier dans le bâtiment Bardane. Pouvez-vous nous en expliquer l'origine ?

LAURENCE GROSFILS (Maître assistante en arts plastiques - secteur sciences humaines-chercheuse dans le Consortium 3, pôle art visuels) :
Chaque année, depuis maintenant quatre ans, nous mettons en place avec Alexandra un projet d'envergure, le dernier en date étant les fresques peintes sur les murs du parking Bardane. Cette année nous voulions lancer une réflexion qui nous titille depuis un moment : Comment aider les étudiantes à se positionner en tant que femme au sein de leur formation ? Plus précisément, que représente le fait d'être instit maternelle aujourd'hui et qu'est-ce que cela véhicule ? Par ricochet, nous voulions questionner la place de la femme dans notre société et tenter de détricoter certains clichés qui ont la vie dure, même pour les jeunes générations ...

ALEXANDRA LEBLANC (Maître assistante en arts plastiques ) :
La force du projet de cette année c'est que, pour la première fois, il dépasse la sphère purement artistique. On est vraiment rentrées dans une réflexion plus globale. On a même créé des liens improvisés avec d'autres cours, d'autres profs, comme Mathilde Hauwaert, enseignante en médias, qui abordait en même temps que nous la question des représentations genrées et des clichés avec les mêmes classes d'étudiantes. Du coup, on a pu échanger et réfléchir ensemble, avec des questions comme : quelle est ma part de masculin et de féminin ? Comment est-ce que je participe à un modèle qui entretient les clichés ? … avec des exemples très concrets, comme le fameux "c'est l'heure des mamans", récurrent dans les écoles maternelles.

V MAG – Quelles étaient les consignes du travail ?

LAURENCE G. :
Dans un premier temps on leur a demandé de choisir une femme formidable qui a marqué l'histoire. Une femme qui ne soit pas artiste et qui a pris pleinement sa place d'humain professionnellement et socialement. Puis, dans un second temps, elles ont choisi une artiste femme qui rende hommage à la première, par le biais de la sculpture. L'idée étant de travailler "à la manière de", c’est-à-dire d'utiliser le langage et les codes de l'artiste choisie pour imaginer et créer une oeuvre qui soit un hommage à la femme formidable.

Pour ces deux catégories nous leur avions fourni des listes , entre autres les femmes reprises dans le fameux livre « Femmes culottées » chez Gallimard ou « 400 femmes artistes » chez Phaidon. Elles ont fait les croisements, par exemple : Amelia Earhaert l’aviatrice vue par l’artiste Jeanne Claude, Suzanne Noël la Chirurgienne réparatrice des « gueules cassées » vue par Alice Aycock ou Miriam Makeba par Sonia Delaunay.

ALEXANDRA L . :
La gageure se trouvait dans le fait de sortir des clichés, du figuratif pour arriver à l'abstraction. Un exercice pas évident pour toutes, et qui a demandé à certaines étudiantes de questionner leurs représentations. Cela dit, elles étaient toutes emballées par le projet, et là où c'est devenu vraiment intéressant, c'est quand certaines ont commencé à faire des liens entre les deux femmes, à créer des ponts entre leurs vies et leurs œuvres. Là, vraiment, elles sont rentrées à fond dans le travail.

C'est toujours de manière détournée, voire illégale, que les femmes ont pu accéder à la formation et donc à des métiers considérés comme exclusivement masculins.
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VMAG – Vous êtes toutes les deux artistes, femmes, enseignantes … et bien plus. Qu'est-ce que ce projet vous a apporté de ce point de vue-là ?

ALEXANDRA L. :

Clairement, ce projet a permis d'élargir notre panel de femmes artistes … pour les étudiantes mais pour nous aussi ! En préparant le projet, on a découvert des artistes que nous ne connaissions pas du tout jusque-là.

LAURENCE G. : Oui, c'est sûr, cela a ouvert de nouvelles portes et puis, surtout, ce projet a permis de mettre au premier plan la question de la formation et de l'accès à la formation. Question essentielle et tout à fait significative dans l'histoire des femmes artistes, mais dans les autres professions également. Toutes les femmes qui depuis le Moyen-âge ont réussi à créer et à percer dans leur domaine, c'est parce qu'elles ont eu accès à la formation en cachette, via des hommes comme leur père, leur frère, parfois leur mari ! Bref, c'est toujours de manière détournée, voire illégale, que les femmes (artistes, scientifiques, sportives…) ont pu accéder à la formation et donc à des métiers considérés comme exclusivement masculins. Et les femmes qui accédaient officiellement aux écoles d'art, n'avaient cependant pas le droit de figurer sur les photos de groupe … incroyable !

Ce qui est super c'est que ce projet, cette réflexion a interpellé d'autres collègues, comme une enseignante de sciences qui nous a dit aborder la place des femmes dans l'histoire de la Science à son cours … Bref le sujet percole et ça fait plaisir ! (rires)

VMAG – Merci à toutes les deux et bravo pour ce travail, à vous et à toutes les étudiantes qui y ont participé. Pour celleux qui souhaitent approfondir le sujet et se plonger dans les références que vous avez utilisées, voici une petite liste d'ouvrages, de blogs et de contenus audiovisuels, dont le fameux "Culottées" de Pénélope Bagieu, en, mode dessin-animé … un super outil pédagogique pour tous les petits garçons et toutes les petites filles.