Sous emprise, vers la déprise : comprendre, accueillir et agir

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Publié le par Annabelle Dapoz

Le vendredi 12 décembre 2025, la Haute École Léonard de Vinci organise une journée de réflexion et de formation intitulée  « Sous emprise, vers la déprise : comprendre, accueillir et agir »

Rencontre avec Lou Joubert, comédienne, metteuse en scène et autrice.

Bonjour Lou, pourrais-tu te présenter ?

Je m’appelle Lou Joubert Bouhnik, je suis comédienne, metteuse en scène et autrice, diplômée du Conservatoire Royal de Liège (ESACT).

Mon travail se situe à la croisée du théâtre action, de la création documentaire et de la médiation sociale. Je développe des projets autour de la santé mentale, du harcèlement, des violences et des rapports de domination. Avec Murs Murs, je poursuis cette recherche : comment le théâtre peut-il devenir un outil d’émancipation, un espace de parole et de réparation collective ?

Comment ce sujet de l’emprise et de la déprise s’est-il invité  ou imposé  à toi ?

Le projet est né d’un terrain profondément intime : une expérience familiale, celle de ma grand-mère Julia. À partir d’une image, d’une archive familiale, j’ai cherché à comprendre ce qui réduit une personne au silence, ce qui la fait taire jusqu’à lui faire dire : « Je n’existais plus. »

J’ai rencontré le travail de l’anthropologue Pascale Jamoulle, qui a analysé l’emprise comme un système de nœuds, un filet où chaque lien resserre les autres. Cela m’a profondément marquée : l’emprise n’est jamais seulement individuelle, elle est sociale, politique, structurelle. Elle révèle autant nos silences intimes que les défaillances institutionnelles qui laissent ces situations se reproduire.

Pourquoi avoir choisi un format artistique pour ce sujet ?

Parce que l’emprise est indicible. Elle agit dans le silence, dans l’invisible.

Le théâtre offre un langage sensible pour rendre visible ce qui ne se dit pas, pour donner forme à la dépossession, à la honte, à la culpabilité et à leur dépassement.

Murs Murs mêle témoignages, archives, sons et poétique scénique pour ouvrir un espace de compréhension et de partage.

Le format artistique permet aussi de transformer la douleur en réflexion collective, de passer de l’intime au politique.

Là où les mots manquent, l’art permet d’écouter autrement, d’éprouver, de relier.

En tant que professionnel·le de l’accompagnement (psychologue, éducateur·rice, infirmier·e…), pourquoi est-ce important de venir et se sensibiliser à ce sujet ?

Parce que les professionnel·les sont en première ligne face aux situations d’emprise et de violence, et pourtant souvent démunis.

Le manque de moyens, la surcharge institutionnelle, les procédures déshumanisantes créent une dissonance éthique : comment soutenir sans pouvoir agir réellement ?

Murs Murs ne donne pas de leçons : il ouvre un espace pour nommer cette impuissance, la partager, la penser ensemble.

Se sensibiliser à ce sujet, c’est aussi se préserver, comprendre les mécanismes de domination pour ne pas les reproduire. C’est reconnaître la nécessité d’espaces de parole, de soin, de mémoire, de déprise collective.  

Y a-t-il une autre œuvre ou projet artistique que tu recommanderais sur le même sujet (ou un sujet proche) ?

Oui, plusieurs œuvres m’ont accompagnée dans cette démarche :

  • Le travail de Pascale Jamoulle, Je n’existais plus, qui a été la première source d’inspiration du projet.
  • Le film Anatomie d’une chute de Justine Triet, qui montre avec finesse les zones grises du pouvoir, du couple et du jugement.
  • Enfin, des projets de théâtre action menés avec des personnes détenues ou victimes de violences, où la scène devient un laboratoire de transformation et de réparation.


La journée de réflexion et de formation « Sous emprise, vers la déprise : comprendre, accueillir et agir » aura lieu le 12 décembre 2025. Plus d'infos et inscriptions ci-dessous :