Alimentation durable : une définition complète énoncée par le département Diététique

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V Mag Alimentation durable

Publié le par Ophélie Michelet

Qu’est-ce qu’une alimentation durable ? Un travail autour de cette question a été effectué dans le département Diététique. Alexandra Gatel et Charlotte de Becker, enseignantes, nous expliquent l’importance et les principes de l’alimentation durable, qui ont d’ailleurs été intégrés dans le cursus du bachelier en Diététique. De quoi redonner du sens et de la valeur à notre alimentation.

Bonjour Charlotte, bonjour Alexandra. Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre rôle au sein de Vinci et au sein du département Diététique ?

Charlotte de Becker : Je m’appelle Charlotte de Becker. Je suis impliquée principalement à la Haute École au sein du département Diététique comme coordinatrice de la CeRED, qui est la cellule de recherche et d'expertise en diététique. Nous réalisons des missions de l'ordre de la recherche, de l'expertise et du service à la collectivité. Et donc, c'est en ce sens que je me suis engagée dans cette belle dynamique sur la durabilité, qu'Alexandra a lancée. Je suis également enseignante au sein du département Diététique pour les cours d'éducation pour la santé et dans le nouveau bachelier Accueil et éducation du jeune enfant.

Alexandra Gatel : Je suis Alexandra Gatel, diététicienne dans la Haute École. Mon rôle principal est d'être enseignante, plus précisément maître de formation pratique, essentiellement pour les cours de techniques culinaires. Je me suis impliquée depuis quelques années dans la durabilité et je fais le lien entre le département et la cellule Transition de la Haute École. C'est dans ce cadre-là que l'on a souhaité définir clairement ce qu’est l'alimentation durable à un niveau scientifique, à la fois pour les enseignants, mais aussi pour les étudiants.

Justement, qu’est-ce qu’une « alimentation durable » ?

Charlotte : L'alimentation durable peut se définir à travers quatre dimensions :

  • une dimension environnementale
  • une dimension santé
  • une dimension culturelle
  • une dimension économique

Quand on pense alimentation durable, on pense tout de suite à l'impact sur l'environnement et la planète, à l'utilisation des terres, l'eau, etc. Mais en fait, aujourd’hui, on ne peut plus délier les enjeux environnementaux et les enjeux de santé.

Nous avons aussi une dimension culturelle : c'est bien beau de proposer une alimentation qui soit bonne au niveau santé et au niveau environnemental, mais si ce n'est pas culturellement acceptable, ça ne va pas fonctionner. De même, la dernière dimension est une dimension économique : une alimentation durable est une alimentation qui doit aussi pouvoir être accessible à tous les publics, tout en étant viable pour les producteurs.

« Une alimentation durable est une alimentation qui est bonne pour la santé, respectueuse de l’environnement, culturellement acceptable, accessible à tous les consommateurs et viable pour les producteurs »
Alexandra Gatel et Charlotte de Becker

Pourquoi le département a décidé de travailler sur cette thématique ?

Alexandra : Nous avons été approchés par une structure qui souhaitait travailler en partenariat avec nous et qui prône plutôt le végétalisme. Cela nous a mis un petit peu mal à l'aise, parce qu'au niveau scientifique, il n'est pas nécessaire de devenir végétalien pour avoir une alimentation durable. Et il nous a semblé également, qu'au niveau de la santé, un régime végétalien pouvait amener des manquements au niveau des nutriments. C’est en partant de ce contexte qu’il nous a semblé nécessaire de bien redéfinir ce qu'était une alimentation durable au niveau scientifique, pour pouvoir le diffuser au niveau de la Haute École et que le message soit cohérent au niveau de l'institution.

Charlotte : Dans le domaine de l'alimentation, il y a énormément d'informations qui circulent et aujourd'hui plus que jamais, on a accès très facilement à beaucoup de données. Parfois, ce sont des messages qui peuvent être contradictoires et qui peuvent rendre confuses les personnes qui ont envie de se lancer dans une certaine démarche. L'idée était vraiment de redéfinir et de reposer le cadre pour que ce soit le plus facile possible à appréhender pour les acteurs qui ont envie de s'y investir.

Avez-vous travaillé en lien avec la cellule Transition de la Haute École ?

Alexandra : Le projet a été en effet proposé à la cellule Transition, qui nous a complètement soutenus dans cette démarche.

Et il faut ajouter que tout le département Diététique a travaillé sur ce projet. Le travail a été relu par les enseignants, il y a eu des discussions autour de certaines recommandations, de décisions qu’il fallait trancher. Chaque enseignant a apporté sa pierre à l'édifice.

Sur quelles sources vous êtes-vous basées pour établir cette définition ?

Charlotte et Alexandra : On s’est tout d’abord basé sur la définition de l’alimentation durable proposée par la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture).

Ensuite, pour établir une liste de recommandations alimentaires de référence, on a mixé les informations issues de trois structures différentes :

  • Le Conseil supérieur de la santé
  • La Commission Eat-Lancet, une commission internationale qui a défini concrètement et a mis des balises sur ce qu'était l'alimentation durable
  • L'enquête de consommation belge, qui indique quelles sont les habitudes alimentaires des Belges. C’était une façon d’avoir quelque chose qui soit le plus acceptable possible culturellement, pour la majorité de la population.

On s'est appuyé aussi beaucoup sur l'OMS (l’Organisation Mondiale de la Santé), sur l'ADEME (l’agence française pour la transition écologique), et sur les travaux du think tank Shift Project, qui a réalisé quatre scénarios différents sur ce qui pourrait se passer au niveau environnemental, sanitaire, économique et social si on maintient le cap actuel de consommation alimentaire. C'est vraiment une ressource intéressante parce que c'est très concret.

Avez-vous inclus les étudiants dans la réflexion ?

Charlotte : En partie : dans le document que nous avons réalisé, il est fait mention d'un travail de fin d’étude d’une de nos anciennes étudiantes, Hélène Mambourg. Son TFE portait sur la réalisation de menus autour d'une assiette saine et planétaire, qui est en fait une application des recommandations du Eat-Lancet dans les traditions culturelles belges.

Pourquoi est-ce important d’intégrer une dimension de durabilité dans notre alimentation ?

Alexandra : L'alimentation, c'est un levier majeur au niveau de la santé et de l'environnement. Il est donc fondamental d'en parler au sein du département. Sur le plan environnemental par exemple, la production de viande représente 15% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, c'est gigantesque.
Et en plus, ce qui est intéressant à souligner, c'est que globalement, les enjeux environnementaux et les recommandations en termes de santé sont assez parallèles, sauf en cas de pathologies particulières.

Charlotte : On veut vraiment sensibiliser nos étudiants et intégrer cette vision systémique de la durabilité et cette capacité d'équilibrer, de négocier entre des enjeux où il peut y avoir une tension entre santé individuelle et environnement. Et donc c'est finalement aussi développer cette posture réflexive dans ses pratiques, en tant que diététicien et acteur de la transition.

Nous formons les futurs diététiciens qui joueront un rôle clé dans la transition alimentaire.
Charlotte de Becker

Qu’est-ce que votre travail autour de l’alimentation durable a apporté au sein de votre département ?

Alexandra : Nous avons fait un état des lieux de ce qui était enseigné en termes de durabilité dans le cursus de Diététique. On a interrogé l'ensemble des professeurs pour voir quelles étaient les thématiques qui étaient déjà abordées dans leurs cours et si elles étaient évaluées. Ça nous a permis d'avoir une vue d'ensemble du cursus et de savoir ce qui était enseigné, s’il y avait des redondances ou des manquements. À la suite de cela, on a fait quelques propositions pour intégrer la dimension de durabilité au sein du cursus. Par exemple, on a un module sur le gaspillage alimentaire, un module sur l'alimentation durable ou encore sur l'éco anxiété. On a aussi intégré le fait d'avoir une vision sur la durabilité sur les endroits de stage. Et globalement, autour de ce consensus, tous les professeurs sont en accord et diffusent ce message. Il y a des pas de géants qui ont été faits ces dernières années à ce niveau-là.

Charlotte : C'est vraiment un travail qui nous tient beaucoup à cœur. Nous formons les futurs diététiciens qui joueront un rôle clé dans la transition alimentaire et donc, il est essentiel qu'ils soient préparés à accompagner à des changements nécessaires pour répondre aux enjeux environnementaux, socio-économiques et sanitaires qui sont face à nous.
Chaque année, on essaie d'affiner et d'enrichir les contenus de nos enseignements, en pensant à l'alimentation en lien avec ces différents enjeux.

Quelles sont vos astuces, au quotidien, pour manger de manière plus durable ?

  • Diminuer les quantités de viande : l'enjeu de la viande, c'est l'enjeu principal au niveau santé, au niveau environnemental et on pourrait même dire au niveau du bien-être animal puisque la majorité de la viande que l'on consomme, ce sont des viandes qui sont issues de très grosses structures industrielles et qui profitent assez peu à la société globalement. Donc l’idée est de penser les menus un petit peu différemment que ce qu'on a l'habitude de faire. En général, on pense d’abord à la viande et puis on se demande ce qu'on va manger avec. On pourrait changer de posture pour diminuer la viande et passer sur un plat végétarien ou flexitarien. Le végétarien, ça fait parfois peur, on a des a priori par rapport à ça, mais en fait il y a plein de choses végétariennes qui sont très bonnes : une pizza margherita, des pâtes aux légumes, une tortilla...
    On peut aussi imaginer faire des plats avec moins de viande, en en diminuant simplement les quantités. Si on fait un risotto par exemple, on pourra ajouter un petit peu de viande, mais sans que ce ne soit l'élément principal.


  • Consommer des légumes secs : les légumes secs, ça peut paraître un peu triste, mais en fait ça ne l’est pas du tout à partir du moment où on les assaisonne avec goût. Il y a le houmous, par exemple, mais on peut aussi faire des ragoûts, des potages, des currys de légumes, ... C'est intéressant au niveau de la santé, c'est intéressant au niveau de l'environnement et c'est extrêmement intéressant au niveau économique parce que le prix du légume sec, il est peut-être 10 à 15 fois moins cher que celui de la viande.


  • Éviter le suremballage : c’est la question du vrac et d'avoir ce réflexe d'emmener ses bocaux et ses propres emballages au magasin. Et d'essayer de fuir tout ce qui est en plastique, essentiellement.


  • Mieux connaître la production belge : il est important de s'informer sur les aliments qui sont cultivés en Belgique, qui sont locaux et de saison. Acheter local et de saison permet de soutenir les producteurs, et de diminuer le transport, aussi. En plus, une pauvre tomate qui a séjourné dans une serre chauffée, ça n'a pas beaucoup d'intérêt gustatif et elle a un impact important sur le climat. Il y a moyen de cuisiner des légumes belges de saison tout au long de l’année.
    C’est une dynamique de curiosité. Il ne faut pas se dire « je dois supprimer ceci ou cela de mon alimentation », mais plutôt « je vais découvrir une nouvelle saveur, apprendre à cuisiner un nouvel aliment, m’intéresser aux producteurs, comprendre d’où vient ce que je mange, etc. »
    L’idée est de se reconnecter un petit peu à la production et c'est vraiment un enjeu majeur dans cet élan d'intérêt et de reconnexion à la planète et à son environnement.


Alexandra : On ne veut vraiment pas être dans de la culpabilisation ni dans la contrainte, au contraire. Il ne faut pas culpabiliser si un jour on a envie de manger un steak ou un ananas. L’important est d'essayer d'aller vers un élan positif et de redonner de la valeur à son alimentation.

Pour en savoir plus : retrouvez la définition de l’alimentation durable établie par le département Diététique de la HE Vinci, ainsi qu’une série de ressources, repères et recommandations dans le document ci-dessous.