Podologue, un métier d'aujourd'hui

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Publié le par Emmanuelle Dejaiffe

Pour le VMag, Mathilde van den Berg, chef du département à Vinci et Kevin Deschamps, docteur en podologie, enseignant et chercheur nous éclairent sur cette formation avec en toile de fond, la découverte d’une vraie évolution dans les pratiques de ce métier de la santé. Entretien avec deux personnalités passionnées.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans cette formation ?

Mathilde V. : Je me suis d’abord inscrite en Kiné. Après deux années, j’ai changé d’orientation pour me diriger vers des études de podologie. Pour moi, il était important de rester dans un métier de soins et de pouvoir améliorer le quotidien des patients. Plus jeune, j’étais suivie par une kiné pour des problèmes de scoliose, elle m'a alors orientée vers un podologue pour des douleurs au dos qui persistaient. J’avais déjà une assez bonne image du métier. A mes yeux, la podologie est un métier créatif par la production de prothèses et d’orthèses etc. Cet aspect m'a plu dès le départ.

Kevin D. : Personnellement, j’ai toujours été attiré par l’univers (para)médical. A l'âge de 17 ans, j'ai été en contact avec la kinésithérapie et la podologie à la suite d’une fracture de fatigue au niveau du pied. Je pratiquais intensivement un sport et je me suis blessé. J'ai été fasciné par le rendez-vous que j’ai eu alors avec un podologue et surtout par le fait que le traitement par orthèses plantaires a directement amené une diminution de la douleur.

Pouvez-vous en deux mots évoquer votre parcours professionnel ?

Mathilde V. : Très vite, avant même la fin de mes études à Vinci, j’ai racheté une patientèle. Diplômée, j’ai exercé tout de suite. Aujourd’hui encore, je travaille un jour par semaine dans mon cabinet en milieu rural, parallèlement à mes fonctions d’enseignant et de chef de département à Vinci. Je garde aussi un demi-jour pour mes patients en cas d’urgence, pour ma compta, etc. Je veille à garder un bel équilibre entre ces différentes fonctions !

Kevin D. : J'ai été diplômé bachelier en Podologie en 2001 à la Artevelde Hogeschool à Gand. Ensuite, j'ai entamé des études d'ostéopathie en ouvrant parallèlement un cabinet de podologie. En 2003, j'ai commencé à travailler à l'hôpital Universitaire de Leuven et j'ai obtenu mon Honours Degree Bachelor in Podiatry à Brighton (UK) et mon Master in Podiatry à Brigton (UK) entre 2005 et 2008. En 2009, j'ai démarré mon doctorat à la KULeuven (2009-2013). Enfin, en 2013, j’ai commencé à enseigner à Vinci et aujourd’hui, je suis à la fois engagé à la Haute Ecole et Professeur à la KULeuven.

Kevin Deschamps et Mathilde van den Berg

Depuis quand cette formation est-elle proposée à Vinci ? Combien d’étudiants la suivent ?

Mathilde V. : Nous avons fêté les 20 ans de la formation en 2019. Elle date donc de 1999. Plus de 80 étudiants la suivent actuellement mais nous pouvons en accueillir davantage vu qu’il y a vraiment des possibilités d’emploi en Fédération Wallonie-Bruxelles et que la demande est croissante.

Quelles sont les qualités du bon podologue ?

Kevin D. : C’est un métier qui requiert des connaissances techniques diverses mais également de développer des compétences plus générales (soft skills) telles que l’empathie, la communication et aussi de la psychologie.

Il y a des stéréotypes à déconstruire autour de la profession que l’on confond parfois avec la pédicurie.
Mathilde VDB

Quels sont les grands défis aujourd’hui de cette formation ?

Mathilde V. : Le grand public n’a pas toujours la bonne image du métier de podologue, même si le métier est de plus en plus connu. Il y a des stéréotypes à déconstruire autour de la profession que l’on confond parfois avec la pédicurie. Nous apprenons ici les gestes de pédicurie mais en tant que podologue, on va plus loin que la dimension esthétique. Pour prendre un simple exemple, nous essayons de déterminer pourquoi un ongle a un certain aspect (origine traumatique, conflit avec la chaussure, agent pathogène). Nous veillons à avoir autant que possible une vision à long terme qui permette à notre patient de fonctionner, idéalement sans douleur. Nous accompagnons les patients par toute une série de conseils. C’est aussi un métier de rencontre avec toute une dimension de communication avec le patient qu’on accompagne.

Selon moi, le podologue joue de plus en plus un rôle clé dans une équipe pluridisciplinaire avec différents acteurs de la santé et cela ouvre de nouvelles perspectives pour le métier.
Kevin D.

Et l’avenir, comment le voyez-vous ? La formation et le métier vont-ils continuer d’évoluer ?

Mathlide V. : Oui bien sûr. Les besoins évoluent car nos patients écoutent davantage leur corps et nous consultent plus facilement. Depuis le Covid, nous constatons que davantage de personnes prennent du temps pour eux. C’est une évolution positive pour un métier comme le nôtre.

Kevin D. : Selon moi, le podologue joue de plus en plus un rôle clé dans une équipe pluridisciplinaire avec différents acteurs de la santé et cela ouvre de nouvelles perspectives pour le métier. Nous travaillons avec des publics de tous âges. C’est un métier riche et varié. En pédiatrie, le podologue s’occupe de la marche de l’enfant qui suscite parfois de l’inquiétude chez certains parents. D’autres consultent car ils pratiquent une activité physique intense. Les grands sportifs font partie aujourd'hui de notre patientèle car ils sont davantage conscients que la dynamique du pied et son bien-être sont importants. Avec le vieillissement de la population, nous visons également à promouvoir et à préserver la santé du pied pour limiter la sédentarité du patient âgé et éviter par exemple les chutes et autres désagréments. Ce ne sont bien évidemment que quelques exemples qui démontrent que notre société a besoin d’experts du pied.

Kévin Deschamps

Au sein du département, il y a aussi toute une dimension du travail qui s'oriente vers la recherche, parfois même à l’international. Pouvez-vous nous l’évoquer pour nos lecteurs ?

Kevin D. : Au départ, la recherche dans notre département était orientée dans le domaine de l'analyse de la marche et de la biomécanique. Nous avons alors publié des articles dans des revues scientifiques comme le Journal of Foot and Ankle Research, Journal of the American Podiatric Medical Association et Diabetes Research and Clinical Practice. Ces trois dernières années, nous avons coordonné Future Feet, un projet Erasmus + (partenariat stratégique avec 5 partenaires européens). Via ce projet, nous avons développé une vision contemporaine du métier de podologue et nous avons également identifié les domaines de recherche (trop) peu exploités en podologie.

Enfin, pour clore l’entretien, quelles sont pour vous cinq bonnes raisons pour se lancer aujourd’hui dans cette formation ?

  1. C’est d’abord un vrai métier d’aujourd’hui qui évolue grâce aux avancées technologiques et numériques.
  2. Il y a un travail assuré à la clé et une augmentation de la demande de soins dans tous les métiers du pied.
  3. La formation donne une base scientifique solide dans les sciences biomédicales combinée avec une expertise pratique développée dès le début du cursus.
  4. Le podologue travaille avec une vision globale du patient et ne travaille pas seul mais en équipe avec d’autres spécialistes dans une vision pluridisciplinaire.
  5. L’étudiant sera confronté à une vraie diversité de patientèle tout au long de son cursus, cela ouvre la porte vers de nombreux choix de spécialisation par la suite.