Aider au développement de la formation en soins infirmiers au Sénégal
Voir tous les articles InternationalBonjour Florence, quelles sont les grandes lignes du projet auquel tu as participé et quels sont ses objectifs ?
Il s’agit d’un projet de valorisation, soutenu par l’ARES, que nous menons conjointement avec l’Ephec-Santé, l’ONG Eco Communication et trois écoles sénégalaises : l’ISS Mbour, l’école Monseigneur Dione de Thiès et le Centre de formation en santé de Thiès.
Initié par Sophie Breedstraet (ancienne directrice du secteur Santé), il poursuit un projet d’amorce, lui aussi soutenu par l’ARES, qui rassemblait les mêmes intervenants. Le projet d’amorce a permis de créer le certificat d'aptitude pédagogique en soins infirmiers et obstétricaux (CAPSIO) tandis que le projet de valorisation participe à sa mise en œuvre.
Le but de ces deux projets est de former les enseignants des écoles de soins infirmiers sénégalaises à l’apprentissage par compétences. Cela a commencé par la création du CAPSIO à destination des enseignants et enseignantes des écoles de soins infirmiers. En effet, pour obtenir le droit de pratiquer, les infirmiers et infirmières sénégalaises, une fois leur diplôme obtenu, doivent passer un examen d’Etat, qui vient valider leur accès à la profession. Or, cet examen d’Etat est axé sur l’apprentissage par compétences, ce qui n’est pas le cas de leur cursus initial. Cette différence provoque un taux d’échec assez important à l’examen d’Etat.
Grâce au CAPSIO, les enseignants et enseignantes apprennent à intégrer l’apprentissage par compétences à leurs dispositifs de cours. Cela permet alors aux étudiantes et étudiants formés par des titulaires du CAPSIO de réussir plus facilement l’examen d’Etat.
Après la création du CAPSIO en lui-même, le but du projet de valorisation était de former des enseignants et/ou des infirmiers pour qu’ils puissent devenir formateurs et formatrices dans le certificat. Au début du projet, seuls des enseignants et enseignantes des trois écoles initialement impliquées ont pu suivre le CAPSIO mais au fur et à mesure de l’avancée du projet, cela s’est ouvert à des personnes provenant d’autres écoles.
Et concrètement, comment la HE Vinci est-elle impliquée ?
Une à deux fois par an, nous nous rendons sur place : que ce soit pour donner des formations, visiter leurs infrastructures, rendre un avis sur la manière dont se passent leurs cours, etc.
Cette année, nous y sommes allés pour la journée portes ouvertes du 22 mai qui clôturait le projet. Elle devait servir à présenter le CAPSIO à d’autres écoles, mais aussi aux autorités du Sénégal, pour que celui-ci puisse essaimer dans d’autres régions. Notre but est que l’obtention du CAPSIO devienne obligatoire pour l’ensemble des enseignants et enseignantes sénégalaises (un peu comme le CAPAES en Fédération Wallonie-Bruxelles) avec le soutien du ministère, que nous avons rencontré à plusieurs reprises. Mais pour cela, il faut déjà qu’il se développe en dehors des trois écoles participantes.
Chaque année, des enseignantes et enseignants sénégalais viennent aussi se former en Belgique : ils suivent des cours dans nos bâtiments, rencontrent des étudiant·es sur leur lieu de stage, visitent des infrastructures de soins en Belgique. Cela leur permet de voir comment mettre en œuvre leurs apprentissages sur le terrain en étant toujours attentifs à la contextualisation, c’est très important. En général, ils passent une semaine sur place. Cette année, pour trois d’entre eux, nous avons pu combiner leur venue avec l’obtention d’une autre bourse grâce à laquelle ils ont pu rester un mois sur place. Cela leur a permis de vraiment s’imprégner de la manière dont les cours sont donnés en Belgique.
Ce ne sont pas uniquement les gens du Nord qui viennent diffuser leurs savoirs : c’est une co-construction d’un projet qui permet à l’ensemble des parties de se développer.
Participer à un tel projet, c’est aussi enrichissant pour Vinci ?
En effet, les projets ARES, ce sont des « partenariats win-win » comme on dit. Ce ne sont pas uniquement les gens du Nord qui viennent diffuser leurs savoirs : c’est une co-construction d’un projet qui permet à l’ensemble des parties de se développer.
Au Sénégal, ils ont une bien meilleure connaissance de tout ce qui est extrahospitalier et de la santé communautaire que nous. En effet, le pays est très grand et la distance entre les hôpitaux peut-être de plusieurs centaines de kilomètres. Il y a donc beaucoup plus de lieux « en dehors de l’hôpital » où les gens peuvent recevoir des soins : des maisons médicales, des dispensaires, etc. Et leurs moyens sont souvent plus limités que ce que nous connaissons en Belgique. Grâce à ce projet, nous avons pu visiter plusieurs lieux de ce type sur place et bénéficier de leur expérience de terrain.
On organise également un module en ligne, dans le cadre de la spécialisation en santé communautaire, où ce sont des infirmières et infirmiers sénégalais qui dispensent leurs connaissances aux étudiant∙es belges. C’est passionnant !
Enfin, le développement de ces projets avec des écoles sénégalaises nous permet de développer davantage de contacts sur place. Cela consolide nos contacts dans le cadre des projets de mobilité de nos étudiants et étudiantes qui voudraient faire un stage au Sénégal : maintenant, nous avons des contacts directement avec les écoles pour encadrer nos étudiant∙es au Sénégal, ce qui permet une meilleure intégration.
Et maintenant que ce projet est terminé, vous prévoyez une suite ?
Nous avons déposé un dossier de demande de projet « Formation Sud », toujours auprès de l’ARES dans le but de développer le CAPSIO sur l’ensemble du territoire sénégalais ce qui permettrait ensuite de le rendre obligatoire. Nous avons présenté le projet le 1er septembre et attendons de savoir s’il sera sélectionné ou non pour l’année 2026.
Les projets « Formation Sud » sont de beaucoup plus grande ampleur : il s’agit d’un financement de 500 000€, dont la majorité des dépenses doivent se faire pour le Sud. Le dossier à remettre est beaucoup plus complexe que pour les précédents types de projets. Si nous sommes sélectionnés, ce serait le premier de cet ordre à la HE Vinci.
Et toi, personnellement, que cherches-tu en participant à de tels projets ?
L’initiative ne venait pas de moi et, pour être honnête, je n’étais pas certaine que cela allait me plaire. Mais ce sont des expériences extrêmement enrichissantes ! Cela nous ouvre à d’autres cultures, d’autres manières de voir les choses et dans ce cadre, à une certaine forme de lâcher-prise. Je peux vous raconter deux anecdotes qui l’illustrent bien.
La première, c’est que lors de l’une de nos visites sur place, c’était la Coupe d’Afrique des Nations et il y avait un match de l’équipe sénégalaise. Or, le foot, c’est une institution sur place : les cours s’arrêtent, les gens ferment les magasins pour pouvoir regarder le match à la télévision. Nous avions une grosse journée de travail prévue sur place mais quand nos collègues sénégalais nous ont demandé s’il était possible de faire une longue pause pour regarder le match, on l’a fait parce que c’était important pour eux. Et ce, même si la journée aurait dû être chargée et que cela ne correspond pas à nos propres habitudes de travail.
La seconde est très récente et date de la fameuse journée portes ouvertes du 22 mai. Deux jours avant l’événement, les étudiant∙es de l’université où s’organisait la journée portes ouvertes se sont mis en grève et ont bloqué les bâtiments pour une durée indéterminée. Ce genre de grève est assez fréquent au Sénégal : elles peuvent parfois durer plusieurs semaines. Nous n’avions donc plus de lieu pour organiser l’événement. En Belgique, cela aurait été une catastrophe et une galère pour se retourner. Là-bas, en deux appels à la Fédération Wallonie-Bruxelles, nos partenaires s’étaient organisés pour nous accueillir dans leurs locaux : ils ont déplacé un événement qu’ils organisaient eux-mêmes pour que le nôtre puisse avoir lieu. Il y a une grande solidarité et une simplicité dans les relations qui nous a pas mal fait relativiser.
Donc, si des collègues souhaitent se lancer dans des projets de valorisation, je ne peux que les encourager ! Ce sont de très chouettes expériences.