Un voyage grandeur nature organisé par les futur·es enseignant·es en sciences humaines
Voir tous les articles FormationsBonjour Aline et Florian, si vous deviez résumer votre parcours ces dernières années, que voulez-vous nous partager ?
Florian : J’ai fait mes études secondaires à Nivelles. C’est mon prof d’Etudes du milieu en première secondaire qui m’a donné envie d’enseigner. J’ai choisi la HE Vinci pour sa réputation et pour sa situation sur le campus de Louvain-la-Neuve. J’aime assez bien dessiner et créer des vidéos, deux passions que je peux utiliser pour mon futur métier ! Je fais mon mémoire en lien avec la fresque du climat.
L’année prochaine, je compte faire la passerelle vers le master didactique en histoire à l’université. En 2 ans (60 crédits de passerelle et 60 crédits de master), cela me permettrait d’enseigner de la 4e à la 6e secondaire. Car c’est vraiment mon fil rouge : enseigner.
Aline : Moi, c’est en rhéto au Collège Saint-Etienne (de Court-Saint-Etienne) que j’ai eu le coup de cœur pour mon cours de géo sur le climat. L’école soutenait pas mal notre participation aux marches pour le climat. Le matin, j’apprenais la « théorie » sur le climat et l’après-midi, je manifestais dans les rues avec la sensation d’agir concrètement.
J’ai toujours eu également un intérêt pour l’histoire et au moment de choisir mes études, j’étais décidée à enseigner les sciences humaines en fin de secondaire. Mais mon passage éclair à la faculté d’ESPO de l'UCLouvain n’était pas le bon choix pour cela. J’ai donc choisi une formation d’enseignante en sciences humaines à Vinci. J’ai aussi toujours voulu être prof.
Je m’intéresse aussi beaucoup à l’éducation aux médias et je compte rejoindre le master dans cette matière à l’IHECS l’année prochaine (il n’y a pas de passerelle !). Après cela, j’imagine peut-être me forger des expériences dans d’autres lieux que l’école pour pouvoir enrichir mes futures leçons.
J’adore la photo et j’aime aussi passer du temps à trouver des correspondances entre mes leçons d’histoire et des extraits de films ou, de façon plus générale, faire des liens avec toute forme d’art.
Que retenez-vous de votre parcours à Vinci ? Qu’est-ce qui vous a marqués dans votre formation ?
Aline : La première chose qu’on nous a dite c’est « Votre représentation du prof va complétement changer ». Et c’est vrai ! J’avais, par exemple, beaucoup sous-estimé le côté humain du métier : nouer des contacts avec les élèves, apprendre à les connaître et s’y attacher. C’est une formation tellement humaine, on a beaucoup appris au niveau relationnel.
C’est une formation tellement humaine, on a beaucoup appris au niveau relationnel.
Le côté concret des études est fort présent également. Dans notre formation, nous avons eu beaucoup d’activités de terrain. Nous essayons de couvrir un maximum de thématiques du programme scolaire en histoire, géographie, sciences économiques et sociales : on a visité des grandes villes (Bruxelles, Nivelles, Anvers…) ou des villages (Melin, Jodoigne, Corroy-le-Grand…) et aussi des fermes, des entreprises… L’apprentissage outdoor fait vraiment partie de notre ADN.
C’est vraiment important cette approche de l’apprentissage sur le terrain pour l’élève. Cela montre du concret, il est plongé dans un environnement par tous ses sens. C’est vraiment plus riche que de montrer une image sur un powerpoint ! Nous faisons en sorte de placer l’élève dans une posture de chercheur : que va-t-il découvrir par lui-même et comment pouvons-nous l’aider à établir des liens entre ce qu’il observe et les matières à découvrir ?
J’adore l’aspect concret de ces études : quand on prépare une activité d’apprentissage, on imagine les réactions des élèves, on se projette, on la voit déjà en train de se dérouler.
Je repars aussi avec pleins d’outils : toutes les activités qu’on a réalisées, on pourrait les réutiliser presque directement dans notre future classe.
Même si vous continuez tous deux vos études, vous sentiriez-vous prêts à devenir prof demain ?
Aline : C’est très progressif comme cheminement : par exemple, lors de nos stages, au début, on se demande quelle posture avoir avec les élèves et, petit à petit, on prend de l’assurance et on prend confiance.
On apprend progressivement à trouver et à prendre notre place, à se positionner avec nos objectifs d’apprentissage. On n’est pas dans des cours transmissifs, mais on essaie de susciter l’activité, l’échange. Cela demande du temps de maîtriser cela.
Florian : On ne devient pas prof en 2 jours, ni même en 3 ans ! Et, quand on y pense, on peut même dire qu’on ne cessera jamais d’apprendre. Il ne faut pas se démotiver ! Au début, on ne se sent pas légitime auprès des élèves et puis « on s’étoffe », comme dit un de nos profs ; on développe notre charisme. Ces études, c’est finalement un tremplin vers une formation qui dure toute la vie.
Ces études, c’est finalement un tremplin vers une formation qui dure toute la vie.
Aline : On doit s’adapter sans cesse et c’est cela qui est motivant. S’adapter à ses élèves, mais aussi à ce qui se passe autour de nous et dans le monde, puisque le contenu de la matière est très lié à l’actualité.
Quand j’angoisse un peu à l’idée de me lancer dans le métier, je pense à cette phrase « Il faut commencer avant d’être prêt » car c’est un métier où l’on n’aura jamais fini d’apprendre. Plus on pratiquera, plus on sera à l’aise.
Et si vous deviez vous imaginer dans 10 ans, vous vous voyez comment ?
Florian : Dans 10 ans, je me vois avec un temps plein dans une école (puisque je pourrai enseigner dans toutes les classes !). J’adorerais être entouré d’une chouette équipe éducative qui s’entend bien, qui échange sur les cours. J’ai deux mots-clés : relation et coopération.
Avec les élèves, j’espère être strict, mais bienveillant. Ils me respectent car je les respecte. J’ai envie de les faire progresser et d’ouvrir leurs horizons, notamment en se questionnant sur les choses qui nous entourent : quelle intention y avait-il derrière la construction de ce bâtiment, pourquoi c’est comme ça ?
J’essaie aussi de jouer mon rôle éducatif. Par exemple, rappeler l’importance de dire bonjour et merci. Mettre des balises à cette période adolescente n’est pas toujours vécue sereinement.
Aline : Le but des cours de sciences humaines n’est pas de faire retenir des dates par cœur, mais de décrypter la réalité actuelle, de donner du sens, de proposer des outils pour analyser soi-même les informations collectées (par exemple via les réseaux sociaux), d’apprendre l’objectivité et de croiser les points de vue sur des événements… Notre enseignement participe à la construction de l’identité des adolescents. Mais je pense que je vais aussi apprendre beaucoup de mes élèves.
Notre enseignement participe à la construction de l’identité des adolescents. Mais je pense que je vais aussi apprendre beaucoup de mes élèves.
Je suis d’accord avec Florian, c’est super important d’avoir une équipe pédagogique soutenante ; je n’ai pas envie d’avancer toute seule, mais d’échanger des idées, de monter des projets ensemble.
Parlez-nous de votre « projet de section », le voyage que vous avez effectué avec votre classe en fin d’année.
Nous sommes partis fin avril avec toute notre classe et 3 enseignants dans le sud des Pays-Bas.
Le but de ce projet est d’organiser un voyage scolaire « grandeur nature ». La préparation commence dès le début de l’année et est menée en totale autonomie par nous, les étudiants. Nos profs nous aiguillent en cas de questions, mais nous laissent tout gérer : le logement, l’intendance, les transports, le budget, les activités, le matériel, etc.
Evidemment, l’objectif est de mettre en place des activités basées sur le référentiel matières de l’école secondaire. Il y a beaucoup de préparation, mais on se la répartit par petits groupes.
Nous avions choisi la thématique de l’eau aux Pays-Bas et la réforme protestante, en fil rouge.
Nous avons tout d’abord visité le Point Delta, un grand réseau de barrages et écluses pour lutter contre les inondations, et les Moulins de Kinderdijk (classés au patrimoine mondial de l’UNESCO) qui, en asséchant les Polders, ont permis de gagner des terres cultivables. Les « élèves », c’est-à-dire nos profs et les autres étudiants qui jouaient ce rôle, ont analysé le paysage, réalisé des croquis et ont pu partager leurs questionnements sur ce qu’ils observaient.
Au musée de l’Inondation (Watersnoodmuseum, qui commémore et explique la catastrophe de 1953), nous avons rejoint les Blocs 3 Sciences, avec lesquels nous avons organisé une visite en interdisciplinarité. Les élèves ont reçu un carnet d’activités entièrement concocté par nos soins.
A Rotterdam, nous avons marché 12 km dans la ville autour de l’histoire et de l’architecture (avec de vrais élèves, il faudra prévoir plus court !). Cela a été l’occasion d’aborder des thèmes tels que les religions (différents lieux de culte se côtoient), l’art, la colonisation (dans le vieux port) et la mondialisation (dans le port moderne). Les élèves ont dû créer une vidéo.
On a dû faire face à quelques imprévus (par exemple, les carnets ont été détruits par la pluie ou un musée était trop petit pour nous accueillir en groupe), mais cela fait partie du jeu ! Cela nous aide à tout anticiper, mais aussi à s’adapter instantanément, à trouver des plans B en direct !
C’est l’objet de notre débriefing du soir. Nos profs reprennent leur rôle et on discute tous ensemble de ce qui a été vécu. En jargon pédagogique, on appelle ça « le retour réflexif » !
C’est à ce moment qu’on prend beaucoup de notes pour tenter de s’améliorer : donner des consignes claires aux élèves, maîtriser les aspects pratiques (parking, toilettes, lieux de pique-nique), tenir compte de la météo, se mettre d’accord sur la gestion du groupe, etc.
Après une expérience de ce type, on se sent tout à fait aptes à reproduire cela avec un groupe d’élèves.
Merci Aline et Florian et bonne continuation dans vos projets !
Photos : Thierry Boereboom (Photo 1 : Aline/Photo 2 : Florian)
*Ce projet fera toujours partie du nouveau programme du master en enseignement-section 3 Sciences humaines